Le blog d\'IronJeff

MONTREAL ESPRIT 2013

WAKE UP

Je me réveille d'un profond sommeil à 4h50 au son de Stereo Love d'Edward Maya.

La nuit a été trop courte en raison des événements de la veille mais au moins j'ai bien dormi. Malheureusement je me réveille avec un léger mal de gorge et de la congestion. Ça augure mal, d'autant plus que j'ai encore un peu mal à la tête. Malheureusement, il faut faire avec, ça fait partie de la compétition que de savoir gérer son état physique et mental. J'apprendrai d'ailleurs plus tard dans la journée que je suis doté d'une force mentale que je n'aurais jamais soupçonné avoir.

Je finis par me lever et je m'active un peu. Rapide déjeuner avec un café puis on ramasse le stock et on descend vers l'auto, un peu trop tard à mon goût (5h20-5h30 approx). On arrive sur le site au milieu d'un milliard d'autres triathlètes. Il y a un léger embouteillage sur le pont en arrivant à l'Ile Notre-Dame. Heureusement, on est quand même stationnés très près de la zone de transition.

Le temps file alors je dois rapidement aller préparer ma place à la zone de transition. Aussi, il ne faut pas oublier d'aller chercher les puces de chronométrage. L'une va à la cheville et est montée avec une bande de Velcro, l'autre doit être installée sur le boulon qui tient la roue avant. On rencontre un peu de gens qu'on connaît, on discute à gauche et à droite, puis on se rend soudainement compte que le départ est dans 15 minutes. Je glisse rapidement une petite bouteille de champagne POP dans mon sac Special Needs et je le place dans le bac prévu à cet effet.

Je me dirige vers la plage et j'attends le compte à rebours. Je ne suis pas encore vraiment dans le mood pour faire un Ironman et je suis vraiment stressé quant à l'état de ma jambe gauche. J'ai marché pas mal hier et ça a ravivé la douleur, rien de positif pour la journée qui m'attend. Pour me remonter le moral je discute un peu avec les gens autour de moi, on se serre la main, on se souhaite une bonne course. Nous sommes tous en compétition les uns contre les autres pour les places au classement, mais chacun sait que la vraie compétition est contre soi-même, d'où l'esprit d'entraide et de camaraderie sur le parcours.

10-9-8-7-6-5-4-3-2-1-PAAAAAAAAAAAAAAAAN La sirène donne le départ de la course.

SWIM

Cette fois, je me suis senti "game" de me placer un peu plus à l'avant. Ce fut une relativement bonne décision, car le couloir de nage n'est pas tellement large, ce qui fait en sorte que les dépassements peuvent être parfois ardus. J'ai pris mon rythme en 10 minutes environ, le temps de me réchauffer et de dissiper l'adrénaline du départ.

Il y a pas mal de trafic dans l'eau. Malgré le faible nombre de participants, l'étroitesse du couloir fait en sorte que les contacts sont fréquents et il y a beaucoup de monde qui nage à la même vitesse que moi. L'eau est assez froide contrairement à d'habitude, probablement en raison des forts vents des derniers jours qui ont brassé le bassin et uniformisé sa température. Ça joue du coude pas mal mais ma nage se passe bien, hormis les lunettes qui ont pris l'eau un peu et que j'ai du rajuster. Après un tour, on doit courir 50 m sur la plage pour refaire un autre tour. Je dépasse deux concurrents pendant la course. Au deuxième tour, beaucoup moins de trafic, malgré qu'on finit par dépasser des retardataires du demi-ironman. Aussi, puisque la course avance, on finit par être en compagnie de nageurs qui vont pas mal à la même vitesse. D'ailleurs, un nageur me suit pendant au moins 30 minutes afin de profiter de ma draft (à la nage, le fait de suivre un autre nageur de très près permet de réduire énormément l'effort pour une vitesse donnée - ou encore de nager beaucoup plus vite pour un effort donné). Je fais mon possible pour le semer: pousser plus fort, déporter rapidement d'un côté ou de l'autre, ralentir et me mettre à kicker fort, etc, mais je n'y parviens qu'à 100 m de l'arrivée environ.

Je sors de l'eau très satisfait de ma nage, malgré que mon temps ne soit pas si impressionnant. Je suis quand même 39e sur 77 avec un temps de 1h26'29.

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T1

La T1 se passe très bien. Cette fois j'ai pensé à apporter une serviette pour enlever le sable de mes pieds avant de mettre mes souliers. Pas le temps de niaiser, on est quelques un dans la zone et il faut continuer à bouger. Je mets mon équipement rapidement et je me lance vers les 41 tours du Circuit Gilles-Villeneuve. J'ai la 16e meilleure T1 avec 3'31.

BIKE

Ça commence en force. Le temps est assez venteux. Étrangement, on dirait qu'on a un vent de face tout le long du parcours. Je prends ma vitesse de croisière en quelques tours. La gang du Saguenay est placée juste avant l'épingle et ils chronomètrent nos tours. Je suis très constant, faisant souvent plusieurs tours à l'intérieur d'une plage de quelques secondes d'écart par rapport à mon temps moyen. Je suis aussi en confiance par rapport à l'effort à fournir. Je sais depuis Tremblant que je peux pousser un peu plus la portion vélo sans pour autant frapper le mur lors de la course à pied.

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Malgré le vent pas très idéal, je maintiens une bonne moyenne: plus de 35 km/h pendant la première moitié. La routine s'installe et on commence à observer les gens autour.

De drôles de gens...

Ça m'épate toujours de voir la variété des athlètes inscrits dans les triathlons. Je trouve très sain de voir des personnes au gabarit très peu athlétique s'inscrire dans de telles compétitions. Ça m'épate toujours aussi de voir la variété du matériel utilisé.

Dans mon cas, j'ai utilisé un wetsuit de wake-board emprunté à un ami ainsi que mon vieux vélo de montagne pour faire mon premier triathlon. Pour le vélo, j'ai au moins eu l'élémentaire délicatesse d'enlever tous les accessoires qui sont superflus dans une compétition, soit les réflecteurs et le pied.

À Montréal, on voit vraiment du monde bizarre. Comme ce cycliste qui fait la portion vélo avec des pantalons cargo. Ou l'autre qui a son gros cadenas attaché à son vélo. Ou encore celui qui a fait le full avec un vélo ultra-vintage, encore muni de son pied et de ses réflecteurs. Il y avait aussi la fille qui trimballait un gros sac à dos. Ou celui qui avait un vieux vélo hybride avec la chaîne tellement rouillée qu'on l'entendait à 100 mètres.

Avec tout ça, le temps file doucement. Les tours s'accumulent. Une des difficultés avec cette course est qu'il faut être constamment aux aguets car le trafic est assez intense. Quand on roule vite, c'est important de regarder loin devant pour repérer ceux qui roulent en cabochons et qui vont nous couper le chemin. Parce qu'il y en a qui roulent VRAIMENT lentement et tout croche.

Quand le trafic est dense, c'est aussi dangereux pour les chutes. J'ai tendance à rouler très vite dans les virages et parfois il faut tricoter serré dans le trafic pour passer. Un gars a chuté juste devant moi et j'ai vraiment dû faire un coup vite pour l'éviter, lui et une fille qui a elle aussi déporté vers moi pour ne pas chuter elle aussi. Il y a presque eu contact. Je l'ai vraiment échappé belle. Ce n'est pas le cas de Pierre Heynemand et Pierre Lavoie, deux favoris des distances Esprit et Demi-Esprit. Les pauvres, ils sont entrés en collision et ont chuté tous les deux. Fort heureusement, aucune blessure grave ni bris mécanique. Ils ont fini respectivement premier et deuxième de leur course respective. Ces gars-là sont surhumains.

Il y en a aussi qui trichent: J'en ai lentement rattrapé un qui faisait du drafting totalement illégal depuis quelques minutes derrière un concurrent plus rapide que lui. Ça me fâche de savoir qu'il n'y avait pas d'officiel pour le voir. Je me suis occupé de l'avertir. Beau drafting, numéro untel que je lui dis quand j'arrive à sa hauteur. Il s'est empressé de décrocher, l'air penaud. Je pense qu'il n'a pas complété sa course. Ça ne me désole pas du tout.

Je me suis moi-même fait avertir d'avoir au moins une main sur le guidon quand je me suis fait prendre à manger ma barre énergétique assis bien droit sans toucher au guidon. Faut dire qu'à 35 km/h avec le guidon lourdement chargé d'une bouteille d'eau, ça peut avoir tendance à "wobbler". Je ne me suis pas obstiné.

Après 100 km, j'ai encore au dessus de 35 km/h de moyenne. Je sens cependant que ce n'est pas ma journée. J'ai une horrible douleur à l'abdomen et ma jambe gauche commence à faire mal. Je sens que le marathon va être pénible. Je commence aussi à avoir une furieuse envie d'uriner. Je prends quelques tours pour spotter l'endroit idéal pour arrêter. Ça prend un endroit assez discret parce qu'il ne faut pas trop se faire voir des officiels. En effet, à Tremblant ils ont avisé qu'il y aurait des pénalités. Cependant, j'ai mon truc: Si je me fais prendre, je fais semblant d'être en train de vomir. Rien dans le règlement n'interdit de vomir sur le bord de la route. L'arrêt est très bref, moins d'une minute. Je suis rapidement imité par deux autres gars qui trouvent que mon spot est parfait.

Les 50 derniers kilomètres sont vraiment difficiles. Ma vitesse baisse lentement mais sûrement. Je n'ai pas d'énergie et la douleur à ma jambe se fait de plus en plus présente. Je termine le parcours en 5h12'25 pour une moyenne de 34.6 km/h (mon record sur cette distance) et un 11e meilleur temps au vélo. Je suis extrêmement satisfait de cette performance. Avec une bonne course à pied, je pourrais faire sub-11 heures. Mais je sais que ce ne sera pas le cas.

T2

En descendant de mon vélo, la sensation est pire que ce que j'avais imaginé. Je trimballe mon vélo en boitant et en grimaçant de douleur jusqu'à ma place. Il faut ensuite enlever les souliers, mettre des bas et enfiler mes souliers de course. Je m'exécute en serrant les dents et en versant une larme ou deux de douleur. C'est à ce moment que je me dis qu'il est possible d'arrêter la course et arrêter la souffrance. C'est aussi à ce même moment que je me dis que non, c'est plutôt le temps de voir qu'est-ce que je vaux vraiment. Ce sera un combat contre moi-même et j'ai la ferme intention de l'emporter. J'enfile ma casquette et ma paire de cornes rouges et je me dirige vers la sortie de la zone de transition. Mon temps T2 est dans la moyenne, avec 6'23.

RUN

Après être sorti de la zone de transition en geignant de douleur, je cours à peine quelques secondes avant d'être obligé de marcher. Un flot de pensées négatives se met à déferler dans ma tête:

Ça fait mal. T'as 42 kilomètres à faire. Cette fois, tu vas être DNF. Personne ne va t'en vouloir de ne pas finir cette course. Arrête ça tout de suite tant qu'à arrêter plus tard. T'en as déjà fait pas mal plus que le client en demande. C'est quoi l'idée de faire 2 Ironman de suite.

Cependant, j'ai la ferme intention de terminer, dussé-je ramper. J'ai un budget de plus de 10 heures pour faire ce marathon, je pourrais le faire en marchant lentement. Je me remets en marche d'un pas ferme et commence alors un long combat contre moi-même.

Je m'organise d'ailleurs pour ne pas montrer aux photographes que je vis une journée pénible. À chaque fois que j'en vois un, je fais un effort pour sourire,

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Si je veux chasser les pensées négatives, je dois absolument les remplacer par autre chose. Je n'ai pas fait toutes ces démarches hier pour rapatrier mon stock de course, pour ne pas finir aujourd'hui!

T'AS PAS MAL! J'AI PAS MAL! T'AS PAS MAL! J'AI PAS MAL! T'AS PAS MAL! J'AI PAS MAAAAAAL!

DNF is not an option. La souffrance est temporaire, la gloire est éternelle. Ça fait peut-être mal, mais toi au moins t'es vivant. Pense à tous ceux qui sont en chaise roulante ou amputés ou malades, qui aimeraient tellement changer de place avec toi et souffrir d'une simple tendinite. Pense au champagne.

Tiens, le champagne. C'est meilleur froid. En arrêtant à la première station de ravitaillement, je demande aux filles si elles ont de la glace. Elles en ont une glacière pleine. Excellent. Je prends mon verre de e-Load et je leur dis que je vais avoir une demande spéciale au prochain tour. Je continue mon tour en grimaçant et je passe devant la ligne d'arrivée, où se trouvent l'animateur et tous les spectateurs. Évidemment, lorsqu'il y a des spectateurs et des photographes, je fais semblant de m'amuser et je fais mon fameux "race face".

Deuxième tour, tel que discuté avec la sympathique jeune bénévole, on met ma bouteille de champagne dans la glacière. Ça semble l'amuser pas mal.

Un autre tour. Souffrance extrême. Larmes. Grimaces. Je cours de moins en moins vite. Je pense à Terry Fox, qui avait entrepris de traverser le Canada à la course en faisant un marathon par jour, tout en souffrant du cancer des os. Je vis une fraction de ce qu'il a vécu. Ça remet mes problèmes en perspective et ça me donne un peu de force pour continuer.

J'alterne la course et la marche. Même la marche est très souffrante. L'idée d'abandonner me passe encore fréquemment par la tête. Je continue à avancer. Je pense au délicieux champagne glacé qui m'attend à l'arrivée.

Je repasse par la zone d'arrivée. Pierre Lavoie est là, il me reconnaît et me fait un high five. J'ai mal à la jambe, c'est vraiment pénible que je lui dis. Lâche pas, qu'il me dit avec un grand sourire. Ça m'encourage. J'accélère un peu, jusqu'à ce qu'il n'y ait plus de spectateurs. Je me remets à marcher péniblement. Je revois la fille à la glacière. Elle compte mes tours. Je lui ai dit qu'à 8, elle devait sortir le champagne. Pauvre elle, les tours sont de plus en plus long.

Rien pour aider, la météo est plutôt moche. Nuageux, pas chaud, un occasionnel crachin mouille l'asphalte et les bretzels des tables de ravitaillement.

Ça fait VRAIMENT mal. J'en hallucine presque. Faut continuer. Je feins toujours la bonne humeur à la vue d'une caméra, sauf cette fois où j'ai oublié...

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Cette fois, c'est Didier qui m'encourage à la zone d'arrivée. Effectivement, c'est juste mon deuxième Ironman en 3 semaines, lui il en a fait 33 en 33 jours. De quoi je me plains. Allez, haut les coeurs et on continue à courir!

Après 25 km toutefois, c'en est fini. Impossible de courir sans souffrir le martyre à chaque pas. De toute façon je cours tellement lentement que je suis aussi rapide à la marche. Le chrono continue à tourner inexorablement, et de plus en plus vite on dirait. Tous mes espoirs de SUB-11, SUB-11h30 et même SUB-12 s'évanouissent. La seule chose qui me motive est maintenant de franchir le fil d'arrivée. Le temps n'a plus d'importance. Alors je marche.

C'est déprimant de voir tous ces gens qui me dépassent. Ceux qui font le full comprennent ma situation et ils m'encouragent. Quand je passe devant les spectateurs, je cours un peu. Il y a de moins en moins de spectateurs à mesure que la journée avance. La plupart sont là pour encourager des membres de leur famille et ils quittent l'île aussitôt que leur athlète a terminé. Ceux qui restent sont là pour les athlètes du full. Et même eux quitteront bientôt.

Il commence à faire noir. Il ne reste plus grand monde sur le parcours. Certains athlètes courent accompagnés d'un ami ou d'un membre de leur famille. C'est théoriquement interdit mais c'est toléré. Les chanceux. Je complète mon septième tour, je ne me gêne même plus pour marcher devant les spectateurs. Lyne est là, fraîche et dispose après son triathlon sprint. Elle me file deux Advil et propose de m'accompagner pour le reste de la course, ce que j'accepte avec gratitude. On fait ces deux derniers tours en alternant course et marche. Les anti-douleur font leur effet pendant quelques minutes, ce qui me permet de courir un peu.

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On voit Lyne sur la photo qui semble trouver amusant ce regain d'énergie.

Dernier tour. On me remet le Bracelet Blanc du Dernier Tour, que j'enfile à mon poignet en versant une larme. Je ne pensais pas être capable de me rendre là. Plus jamais je ne ferai d'Ironman, c'est promis! J'arrive au ravito, la bénévole me remet ma bouteille de champagne bien glacée. On continue notre marche, clopin-clopant vers la ligne d'arrivée. Il fait maintenant noir, la ligne d'arrivée est éclairée par de puissants projecteurs. Je marche vers cette Lumière, libératrice de mes souffrances et promesse d'un repos si mérité. Je retire le protecteur métallique de la bouteille et je fais sauter le bouchon en franchissant la ligne.

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Le vidéo de l'arrivée est ici (à 39'35s environ):

 

Je suis Ironman pour la quatrième fois. Merci à la vie de me permettre de telles réalisations.

J'avais trouvé les trois premières un peu trop faciles, cette fois j'en ai eu pour mon argent. C'était vraiment un challenge.

Statistiques du marathon: 5h37'52. Genre, VRAIMENT lent! 56e place overall pour le marathon. 

Temps total: Un honnête 12h26'40 pour une 35e place sur 69 finishers.

Je savoure le fil d'arrivée quelques temps en m'amusant avec les photographes.

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APRÈS LA COURSE

Le massage est gratuit pour les athlètes du full alors ma priorité numéro un est d'aller me faire masser la jambe. J'e suis assez funny avec mon feeling de champagne alors les filles me trouvent vraiment comique.

Ensuite, retour au condo pour une bonne douche, puis c'est le traditionnel repas de junk food post-Ironman, une grosse poutine avec des niouniounes rings et un litre de bière aux 3 Brasseurs.

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Bon, c'est pour quand le prochain?

 



16/11/2013
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