Le blog d\'IronJeff

IRONMAN LAKE PLACID 2011 RECIT DE COURSE PARTIE 3

Partie 2 ici...

 

15h04 T2

Après avoir remis mon vélo au bénévole, je passe par les supports à sacs pour ramasser mes équipements de course à pied puis je retourne dans la tente, qui est un peu moins humide et bondée que le matin. Il faut dire que la course est commencée depuis huit heures alors la densité de trafic est moins élevée qu’à la fin de la natation. Chose surprenante, je n’ai pas les jambes barrées en descendant de vélo. Il faut dire que j’ai spinné à haute vitesse sans forcer pendant les derniers kilomètres.

Cette transition consiste donc à retirer mes chaussures de vélo et mon casque, et mettre des bas, chaussures de course et casquette.

Je n’étais pas vraiment décidé au niveau matériel alors j’avais mis 3 paires de bas pour y aller au feeling. J’ai donc choisi mes bas de course noirs, que j’avais achetés à Seattle. Légers et minces, parfait match pour mes Kinvara orange fluo. La casquette était ma sempiternelle casquette verte que j’avais gagnée au kiosque du Coin des Coureurs au Marathon des Deux Rives à Québec en 2008. Cette casquette a pas mal fait le tour du monde (San Francisco, Panama, Allemagne, etc) et la couleur fitte bien avec mon trisuit.

Pas besoin de plus d’équipement que ça pour aller courir. Je me suis fait mettre de la crème solaire par un bénévole et je suis parti en joggant vers le circuit de course à pied.

15h11 RUN

C’était très rafraîchissant pour le moral de passer à la course à pied. En sortant de la zone de transition on part en descendant en empruntant une partie du circuit de vélo. On passe ensuite devant les structures de saut à ski (rappelons que la ville a accueilli les Jeux Olympiques de 1932 et 1980) pour bifurquer vers une route rurale le long d’une rivière. Un U-turn nous ramène vers le village où on fait un autre aller-retour en direction de Papa Bear. Ça permet de passer plusieurs fois devant nos supporters.

Je commence donc le marathon à une cadence assez relax, le temps d’analyser la situation et d’évaluer ma condition physique. Après huit heures d’efforts physiques soutenus, j’ai de la difficulté à maintenir ma fréquence cardiaque élevée.

Fréquence cardiaque : check.

Douleur : check.

Hydratation : check.

État d’esprit : check.

Nutrition

Ma grosse, grosse crainte est de manquer d’énergie, de frapper le Mur. Mon plan est donc de carburer au max à chaque station de ravitaillement. Heureusement elles sont nombreuses. À chaque station, je répète le même pattern : Un verre de Perform, un verre de Pepsi, je verse le Perform dans le Pepsi, j’avale le tout d’un trait et je prends une poignée de pretzels et un verre d’eau pour la route. Le but du verre d’eau est plus de me rincer la bouche que de m’hydrater. Avec tout ce sucre, je regrette presque de ne pas avoir de brosse à dents!

Lorsqu’il y a de la glace disponible, j’en prends. Il fait vraiment chaud et le soleil plombe. La glace est servie dans des verres de styromousse. J’en prends un ou deux et je verse la glace à quantités égales dans mon trisuit et dans ma casquette, sans oublier de m’en mettre un morceau dans la bouche. Ça permet de réduire ma température corporelle et maintenir le niveau d’effort.

Avec ce niveau d’hydratation, je ne manque pas de devoir faire quelques pit-stops. Après une heure de course, j’en suis à un pit-stop aux 20 minutes environ. Heureusement, ça me prend environ 11-15 secondes (chronométrées) seulement. L’avantage d’être un gars : pas besoin de courir les toilettes, ça se fait directement sur le bord de la route. Une de mes craintes est donc rapidement éliminée : Je ne serai certainement pas déshydraté.

Les bénévoles aux stations de ravitaillement étaient fantastiques, ils encourageaient tout le monde. C’était très agréable d’être encouragé en français par les Québécois qui voyaient mon trisuit Jakours Saguenay. J’ai aussi jasé un avec un ou deux québécois sur le parcours de course.

 

Divertissement

La course à pied, contrairement au vélo, ne demande aucune concentration et on peut tomber sur le « cruise control », ou encore interagir de façon plus marquée avec l’environnement. J’ai choisi de m’amuser au max.

Il y avait plusieurs endroits avec de la musique sur le parcours (généralement des spectateurs avec des gros systèmes de son). I Got a Feeling faisait partie de la playlist de l’un d’entre eux, ce qui m’a permis de chanter à m’en arracher les poumons, au grand plaisir des spectateurs. Quand je suis repassé, c’est Boom Boom Pow qui jouait alors j’ai gesticulé au rythme de la musique.

Le long de la rivière il y avait une grosse remorque Ford avec des danseurs/danseuses. Autre chorégraphie de ma part, cris enthousiastes des danseurs.

À un autre moment, je jouais du « air guitar » pour le plus grand plaisir des spectateurs.

Il y avait quelques photographes le long du parcours. Je me suis pas mal amusé à faire mon race face avec l’un d’eux, ce qui a donné d'excellentes photos:

 

Le gars a vraiment semblé m’apprécié car il m’a fait un high five après la photo.

 

Encouragements

La beauté de ce parcours est qu’on peut voir nos supporters plusieurs fois, et on ne passe pas en coup de vent. J’ai donc pris le temps de donner un bisou aux enfants et à Caro lors d’un passage.

D'ailleurs, ces derniers semblaient trouver un peu le temps long:

Lors du retour au village, il y a une bonne montée après le pont de fer, puis en arrivant en ville, c’est trois côtes assez difficiles, la première étant la plus longue et la plus abrupte. C’est là que je me suis rappelé le conseil de Pierre Lavoie : il faut marche cette côte! Effectivement, c’était aussi rapide à la marche qu’à la course.

Dans le village, le bruit est ahurissant. On entend des centaines de spectateurs crier et applaudir de chaque côté de la route, sans oublier les échos du stade où Mike Reilly crie YOU ARE AN IRONMAN aux trente secondes. On savoure ce moment en se disant que notre tour s’en vient.

 

Il y avait encore ces pancartes Go Jeff le long du parcours de course à pied.

 

17h21 on ouvre les pelles pour le deuxième tour

Pendant la première boucle, j’ai essayé d’estimer ma vitesse avec les bornes, mais je ne connais pas mes vitesses cibles en minutes/mille. J’ai fait environ 9’30 à 10’30 par mille selon le relief et les stations de ravitaillement. En effet, j’ai marché toutes les stations, ce qui m’a permis de bien m’hydrater et de prendre un peu de repos actif.

Selon plusieurs lectures que j’ai faites, c’est à la deuxième moitié du marathon que ça passe ou ça casse. Qu’on sépare les hommes des enfants. Que l’Ironman commence vraiment. L’Ironman serait un exercice de patience où on teste la capacité des gens à garder de l’énergie jusqu’au 26e kilomètre du marathon environ.

J’ai fait 2h10 pour la première moitié du marathon. Ça donne un marathon en 4h20. Mon premier et plus lent marathon m’a pris 4h14 environ. Mon plus rapide est de 3h41. Ce serait quand même honorable de faire 4h20 dans le contexte acuel, compte tenu de la chaleur et de la fatigue. Cependant je me sens assez bien et j’ai encore beaucoup d’énergie en réserve.

Je décide donc d’augmenter la cadence. Mon coach Jean-Marc recommande de toujours essayer de faire un split négatif en course, c'est-à-dire que la deuxième moitié doit idéalement être plus rapide que la première.

J’accélère donc la cadence, de façon à peine perceptible, mais quand même. L’effort se fait sentir, la fréquence cardiaque est plus élevée.

Chose intéressante, à ce stade-ci, plusieurs de ceux qui m’avaient dépassé sont maintenant en train de marcher. D’ailleurs la plupart du monde marche ou jogge très lentement.

Certains sont en train de vomir. Ils sont quand même relativement nombreux.

D’autres sont arrêtés sur le bord en train de s’étirer, en proie à de violentes crampes.

Moi je cours. De plus en plus vite.

Mes pieds font mal.

J’ai faim.

J’ai mal au dos.

Je réussis quand même à sourire. Je m’amuse avec les spectateurs.

Lors de la montée après le pont en fer, je suis à peu près le seul à courir. Un groupe de spectateurs me fait une ovation : « We have a RUNNER!!! ». Très amusant!

La montée vers le village, celle que Pierre Lavoie me recommandait de marcher, est difficile, mais motivante, il y a énormément de spectateurs et d’encouragements. Une fois l’ascension terminée, on est en plein dans l’action et le plus dur est fait.

Je tourne vers la droite en direction du dernier aller-retour, en faisant de grands signes à ma famille pour leur montrer que tout va bien.

C’est presque la fin. Il reste moins de 8 kilomètres à faire. Je prends un verre de ce que je crois être du Perform, mais un liquide chaud et salé coule dans ma bouche et je le crache instantanément. Finalement, après analyse, c’était du bouillon de poulet, qui était probablement délicieux, mais quand on s’attend à autre chose, ça goûte vraiment spécial.

Dernier U-turn, et je me dirige vers le village, vers la ligne d’arrivée. Je m’amuse au max avec la foule. Cependant, à force de m’amuser à faire crier les gens, je passe tout droit devant la sortie vers la ligne d’arrivée. La foule me fait des signes frénétiques pour me faire virer de bord. Quand je comprends ce qui m’arrive, j’enrage un peu mais j’ai quand même perdu moins d’une minute, soit 4 à 6 places au classement environ. Pas grave, pour un gars dont l’objectif était seulement de finit.

Je m’engage dans la boucle finale, les mains tendues pour taper dans les mains des spectateurs et j’aperçois la ligne d’arrivée, que je franchis les deux bras dans les airs.

19h21’59

Je suis enfin un IRONMAN après 12h21’59.

Drôle de feeling.

C’est un de ces instants qui séparent notre vie en deux : AVANT et APRÈS.

Deux « catchers » me prennent en charge pour s’assurer que tout est OK. OOOOHHHH YEAHHHH, Everything’s OK, my dear!

C’est ensuite le traitement VIP : On vous met une médaille de finisher au cou, puis c’est la photo officielle.

Je me dirige ensuite vers ma famille, que j’aperçois de l’autre côté de la clôture.

Pffffffffffffffffffffffff la pression retombe doucement.

C’est maintenant le temps de réaliser mon fantasme : Fumer une cigarette. Une bonne cigarette, avec une médaille de finisher autour du cou. Quand les gens de l’assistance s’en sont rendu compte, il y a comme un malaise qui s’est installé. C’était vraiment comique. Ça faisait longtemps que je voulais essayer ça, fumer une cigarette sur la ligne d’arrivée d’un marathon ou d’un Ironman, juste pour voir la réaction des gens.

Qu’est-ce qu’on fait après ça?

On va souper au resto. Un bon steak de thon presque cru avec une bonne bière. LE tout sur une terrasse, près de la ligne d’arrivée. On entend « YOU ARE AN IRONMAN » aux 30 secondes pendant le repas. Super feeling.

J’appelle ma mère, mes beaux parents et mon coach. C’est vraiment un moment de fierté incroyable.

Plus tard dans la soirée, je suis allé à côté de la ligne d’arrivée avec Caro et les enfants pour voir les derniers à terminer la course. C’était vraiment quelque chose à voir. Ceux qui terminent en 16h30 et plus sont ceux qui ont vraiment eu de la difficulté dans leur journée. Ils ont beaucoup de mérite et la foule les encourage au max. C’est le party jusqu’à minuit.

À minuit huit, la dernière participante est accueillie par les spectateurs. Son temps officiel sera cependant « DNF » : Did Not Finish. C’est la règle. 17 heures pour faire la course, pas une seconde de plus.

C’est la fin de cette journée. Je vais dormir, j'ai les batteries à terre.

 



01/09/2011
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